À propos du projet APADiP

Délaisser ou abandonner sa prothèse quand on est amputé

Les prothèses pour membres supérieur et inférieur visent à ce que les personnes amputées puissent vivre de manière autonome en conservant leur capacité de se mouvoir et d’agir. Cependant, de nombreuses personnes amputées et appareillées cessent de porter leur prothèse dans les mois et les années qui suivent leur retour à domicile. 

Ce phénomène, bien connu du milieu de la réadaptation sous l’appellation de “prothèse placard”, soulève de véritables questionnements  : 

  •  En termes de santé publique, notamment dans les enjeux de conception et prescription des dispositifs prothétiques
  • En termes d’autonomie des patients, autour de laquelle peu de travaux se sont penchés jusqu’à présent. 

 

Pourtant, les abandons de prothèses entraînent un certain nombre de conséquences lourdes sur les possibilités d’autonomie et d’accessibilité des personnes amputées. Ils sont révélateur de l’existence de dysfonctionnements ou en tout cas de limites dans les processus d’appropriation de la prothèse, dans le cadre de la prise en charge notamment.

Ces limites et failles nous apparaissent potentiellement liées à :

  • l’identification et la compréhension des besoins des patients,
  • leurs modalités de participation au sein de leur parcours de soin,
  • leur accompagnement et leur suivi dans le cadre du retour à domicile et des modalités d’actions dans la vie quotidienne, une fois qu’ils sont sortis du parcours de réadaptation.

Au vu de constat, ce projet de recherche vise à comprendre les ressorts de ce phénomène d’abandon prothétique, en s’intéressant en particulier à la façon dont les personnes amputées du membre inférieur et les personnes amputées du membre supérieur apprennent à se servir de leur prothèse et parviennent (ou non) à se l’approprier et à l’utiliser dans leur vie de tous les jours.

 

Le but du projet : accompagner / favoriser l’appropriation des dispositifs prothétiques et diminuer l’abandon des prothèses

Le but d’une telle analyse, réalisée conjointement avec les personnes concernées et les acteurs de terrain, est de comprendre les facteurs et les raisons qui peuvent pousser certains patients à ne plus utiliser leur appareillage au termes de quelques mois à domicile, de proposer des pistes afin de restreindre le nombre d’abandons de prothèses (en tout cas lorsque celui-ci est subi ou choisi par défaut, et ne constitue pas un projet propre aux besoins / au confort du patient) et d’améliorer leur appropriation au long terme par les patients pour faciliter leurs activités de la vie quotidienne, l’exercice de leur autonomie et leur participation sociale. 

En cherchant à décrypter et analyser les paramètres et les contextes qui poussent les personnes amputées à rejeter leur appareillage, à le délaisser ou, au contraire, à l’utiliser au long terme selon les conseils des équipes de réadaptation et/ou de leurs pairs, nous cherchons à identifier les pratiques et les contextes les plus favorables à une bonne observance dans l’usage de l’appareillage. 

Ce faisant, ce projet devrait permettre d’ouvrir des pistes de réflexion plus globales pour le développement d’outils d’évaluation technologique et de dispositifs d’accompagnements qui prennent en compte l’utilisation réelle des dispositifs en conditions quotidiennes, tout particulièrement par le biais de processus de collaboration entre concepteurs, prescripteurs et usagers.

 

Axes de recherche

Analyse du parcours de réadaptation

et de ses différents acteurs (qui est impliqué, dans quelle mesure et avec quels moyens?), et ce jusque dans les visites de contrôle, les suivis au long terme et les renouvellements d’appareillage.

Identification des processus d’apprentissage

et d’appropriation de l’appareillage, ainsi que des facteurs qui en facilitent l’acceptation ou qui au contraire entrainent la déception et le rejet.

Identification des éventuelles déceptions

et des rejets précoces (c’est-à-dire avant le retour à domicile) ou plus tardifs (après un certain temps d’usage à domicile) vis-à-vis de la prothèse.

Suivi du retour à domicile

et évaluation des usages quotidiens : dans quelle mesure et dans quels cadres la prothèse est-elle utilisée? Identification des facteurs environnementaux et personnels pouvant jouer sur l'usage ou le non-usage de la prothèse.

Analyse des dynamiques de non-usage à domicile

ou d'usages restreints et ciblés, par exemple lors d’activités spécifiques. Identification des facteurs associés à ces usages restreints ou ces délaissements / abandons.

 

Déroulement du projet

 

Le projet se déroule en plusieurs étapes successives et parfois simultanées :

1) Phase préparatoire :

Cette phase s’est déroulée durant l’année 2020 (de janvier à août), et a consisté en un état de la littérature afin d’identifier les pistes à mettre en place dans le cadre du projet, une conception de protocole scientifique et d’établissement de conventions avec nos partenaires institutionnels, la construction de questionnaires et guides d’entretiens, la préparation du déroulement du terrain, etc. Elle a constitué le socle indispensable au démarrage des phases suivantes de recueil de données.

 

2) Terrain d’enquête auprès de patients en parcours de réadaptation fonctionnelle :

Nous travaillons ici au sein de deux centres de réadaptation (IRMA, Val de Marne et IURC, Bas-Rhin), en menant une enquête immersive de 3-4 mois (début septembre à fin décembre 2020) auprès d’une trentaine de patients amputés et de leurs soignants. Il s’agit de mener des observations et des entretiens avec les patients et leurs soignants, tout au long du processus de réadaptation fonctionnelle, de la préparation à la mise en place de l’appareillage jusqu’au retour à domicile. Les patients participant à l’enquête seront ensuite recontactés de façon ponctuelle durant l’année qui suit leur retour à domicile, afin d’observer et analyser les usages (ou les non-usages) qu’ils ont de leur prothèse dans le cadre de leur vie quotidienne.

 

3) Terrain d’enquête auprès de personnes appareillées ayant déjà des habitudes avec leur prothèse :

Ce second volet du terrain auprès de personnes usagères de prothèses se décline cette fois dans deux contextes différents et complémentaires : d’une part les consultations en hôpital de jour des deux centres de réadaptation partenaire, d’autre part l’association ADEPA. Le principe de cette seconde phase de terrain est de prendre contact avec des personnes ayant déjà des habitudes de vie avec leur prothèse, et d’identifier les types d’usages et non-usages (ainsi que leurs facteurs et causes) liés au déploiement de la prothèse dans les actions quotidiennes. Ici encore, des observations mais surtout des entretiens semi-directifs seront mis en place auprès de la population participante. Ce volet de terrain se déroulera de janvier à août 2021.

 

4) Terrains d’enquête externes auprès d’industriels et équipes de recherches :

Dans la mesure du possible, et en fonction de l’évolution des possibilités de déplacement à l’étranger, nous prévoyons d’effectuer un dernier terrain complémentaire auprès de concepteurs et industriels de la prothèse, afin d’observer les maillons initiaux de la production de prothèse, des processus de conception jusqu’à la commercialisation / mise à disposition des dispositifs vers les usagers. Ces terrains devraient s’effectuer au printemps et à l’automne 2021.

 

5) Analyse des données et Focus Groups :

Dans le cadre de notre analyse, nous tenons tout particulièrement à solliciter les personnes concernées par nos recherches, qu’elles soient patientes, usagères ou soignantes. Il est donc prévu d’organiser deux séries de focus group impliquant les acteurs de terrain, afin de leur soumettre nos pistes et analyses, de les discuter en collégialité avec eux, et de prendre en compte leurs retours et suggestions dans le cadre de la formulation de nos conclusions et recommandations. Ces docus group auront lieu à l’automne et hiver 2021.

 

6) Finalisation des analyses et rédaction des conclusions / recommandations :

Une fois l’ensemble des étapes précédentes finalisées, nous mettrons en place une série de livrables (rapports, articles scientifiques, livrets de recommandation à destination des soignants et des usagers, etc) à partir de janvier 2022, qui devront acter la fin du projet à l’hiver 2022.